Au fil des événements
 

22 janvier 2004

   

Université Laval

Laval au palmarès de Québec Science

Des équipes du Centre de recherche Université Laval-Robert-Giffard et du Centre de recherche du CHULfigurent au Top Ten 2003 du magazine de vulgarisation scientifique

Les travaux de l'équipe d'Yves De Koninck sur la douleur chronique et ceux de l'équipe de Patrick Provost sur le rôle de l'ARN messager dans l'expression des gènes ont séduit le jury de la 11e édition du concours "Les 10 découvertes de l'année" du magazine Québec Science. Composé d'un savant amalgame de scientifiques et de journalistes, le jury avait la délicate mission de sélectionner les dix meilleurs coups de la recherche en 2003 parmi tous les travaux scientifiques effectués dans les universités et les institutions scientifiques du Québec. Pour être considérées, ces recherches devaient avoir un impact significatif, autant pour l'avancement des connaissances que pour le bien-être de la société, et avoir fait l'objet d'une publication dans une revue scientifique reconnue entre novembre 2002 et octobre 2003.

Québec Science livre le fruit de cet exercice - forcément subjectif - dans son édition de février 2004, dans le but de souligner l'excellence de travaux accomplis par des chercheurs de talent et, à travers eux, de saluer toute la recherche scientifique québécoise.

Aux portes de la douleur
Québec Science a retenu sur son palmarès 2003 les travaux sur la douleur chronique menés par Yves De Koninck et son équipe du Centre de recherche Université Laval-Robert-Giffard. Dans la livraison du 21 août 2003 de la revue Nature, Jeffrey Coull, Dominic Boudreau, Karine Bachand, Steven Prescott, Francine Nault, Attila Sik, Paul De Koninck et Yves De Koninck décrivent en détail le mécanisme qui enclenche cette boucle sans fin de souffrances.

En conditions normales, les signaux perçus par notre corps génèrent un influx nerveux transporté par les cellules nerveuses jusqu'à la moelle épinière, d'où il est transmis au cerveau puis décodé. Dans le cas de la transmission du signal douloureux, il existe un système de portillon au niveau de la moelle épinière qui détermine si le signal doit être relayé ou non au cerveau. Selon les chercheurs, l'hypersensibilité des personnes souffrant de douleurs neuropathiques serait due à une inversion du mécanisme de répression de la transmission du signal douloureux au niveau de la moelle. "Des stimulations sensorielles qui normalement ne devraient pas produire de douleur, comme une simple caresse, peuvent se traduire par une perception de douleur atroce chez les patients neuropathiques", explique le professeur De Koninck.

Les chercheurs attribuent cette inversion à la perte d'une protéine (KCC2) de la membrane de certaines cellules nerveuses du portillon. Cette protéine est responsable du pompage des ions chlorures vers l'extérieur des cellules nerveuses. Chez les personnes souffrant de douleurs neuropathiques, cette pompe inverse le flux normal des ions chlorures de sorte qu'elle excite les neurones sensoriels de la moelle au lieu de les inhiber. Ces travaux pourraient conduire à la mise au point d'une nouvelle classe d'analgésiques d'ici trois à cinq ans, prédit le professeur De Koninck.

Ne tirez pas sur le messager
Les travaux de Patrick Provost et de son équipe du Centre de recherche du CHUL sur le rôle de l'ARN messager dans l'expression des gènes ont aussi retenu l'attention de Québec Science. En 2002-2003, le chercheur a d'ailleurs publié différents pans de cette découverte dans les revues scientifiques Nature, The Proceedings of the National Academy of Science et The European Molecular Biology Organisation Journal (EMBO).

Au coeur de cette mécanique complexe se trouvent de courts segments d'ARN - appelés microARN -, considérés jusqu'à tout récemment comme des produits de dégradation métabolique qui traînaient dans la cellule. "Ces microARN sont complémentaires aux ARN messagers, indique Patrick Provost. Lorsqu'ils se fixent à eux, les ARN messagers ne peuvent plus être traduits en protéines."

Pour mieux comprendre d'où proviennent ces régulateurs, les chercheurs ont entrepris de remonter une à une les étapes de la voie métabolique qui conduit à leur synthèse. C'est ainsi qu'ils ont caractérisé une enzyme, Dicer, qui fabrique les microARN en excisant des segments d'ARN contenus dans une structure d'ARN à deux brins en forme de tête d'épingle. "Nous avons été la première équipe au monde à exprimer l'enzyme Dicer de l'homme sous forme recombinante", signale Patrick Provost. Les travaux de son équipe ont aussi mis en relief le rôle d'une enzyme nucléaire, appelée Drosha. Les deux enzymes, Drosha et Dicer, interviendraient de façon séquentielle dans la production des microARN.

En apparence très fondamentales, ces découvertes pavent la voie à de nouveaux traitements pour certaines maladies qui résultent de la surexpression d'un ou de plusieurs gènes, notamment les cancers et les infections virales. "Les microARN nous donnent le moyen de contrôler l'expression d'ARN messagers spécifiques avec une précision inouïe, commente Patrick Provost. Grâce aux outils du génie génétique, nous pouvons synthétiser ces microARN et, éventuellement, nous pouvons envisager de les administrer à des patients pour bloquer la synthèse des protéines qui posent problème. Je crois que le potentiel est énorme", conclut le chercheur.

JEAN HAMANN