Au fil des événements
 

22 janvier 2004

   

Université Laval

Une femme, de a à z

La lexicographe Josette Rey-Debove a vécu une grande aventure éditoriale, humaine et personnelle

Qui n'a jamais consulté Le Petit Robert? Récemment, dans le cadre du mois des femmes, Josette Rey-Debove, la "mère" de ce dictionnaire reconnu partout dans le monde francophone, a donné une conférence sur sa carrière de femme lexicographe au pavillon Charles-De Koninck, sur invitation du Centre interdisciplinaire de recherches sur les activités langagières. "Cherche collaborateur pour travaux paralittéraires." Josette Rey-Debove ne se doutait probablement pas qu'en répondant à cette petite annonce parue dans le journal Le Monde en 1953, elle entamait une grande aventure éditoriale, humaine et personnelle. Première femme lexicographe, elle a participé à la naissance du tout premier dictionnaire Le Robert en 1964 et elle collabore encore aujourd'hui à l'édition de ce prestigieux ouvrage de référence. En 50 ans de carrière, outre le fameux dictionnaire, elle a écrit énormément sur les problèmes de langue, a participé à des émissions de radio et a donné des séminaires et des conférences un peu partout en Europe et en Amérique du Nord.

"J'ai pleuré pour l'écriture d'un article de dictionnaire, confie-t-elle. J'ai pleuré toute une journée. C'était pour l'article faire." Difficile de trouver un mot plus vaste et passe-partout que celui-là dans la langue française. "Mais je l'ai fait! dit-elle avec un sourire en coin. J'étais tenace.". Et de la ténacité, Josette Rey-Debove en a grandement fait preuve au cours de sa carrière. Ses combats pour la féminisation des noms de métiers sont épiques, tout comme ses prises de bec avec la réactionnaire Académie française. Elle a effectivement été de ceux et de celles qui ont participé au travail de féminisation, et cette réforme de la langue lui a valu les disgrâces de certains membres huppés de l'Académie. C'est donc un peu grâce à elle qu'on peut parler de la ministre, la policière, la professeure... Elle semble quand même réticente aux féminins en ­eure, car ils ne respectent pas tout à fait les règles de la langue française. Comment concilier sa conscience de lexicographe avec sa conscience de femme? Elle répond: "La promotion de la femme vaut bien un barbarisme."

Une langue très masculinisée
Au cours de sa conférence, Josette Rey-Debove a abondamment parlé de la place de la femme dans le dictionnaire. C'est que, dans sa structure même, la langue française est très masculinisée. Il suffit de penser à l'existence du genre et aux règles d'accord, où le masculin l'emporte, pour s'en persuader. Cependant, le lexicographe garde une part de liberté dans l'écriture d'un dictionnaire, et cette liberté, c'est l'exemple. Pour redonner sa place à la femme dans le dictionnaire, il importe donc de rédiger soigneusement ses exemples et d'y intégrer la présence féminine. De plus, le féminin est beaucoup plus riche de renseignements relatifs à la grammaire que le masculin lorsqu'il est question d'accords. L'exemple préféré de la conférencière? "Une femme incomparable." "Car, dit-elle, "incomparable", n'est-ce pas l'adjectif qui convient le mieux pour parler d'une personne remarquable, mais du sexe féminin?"

MELODIE BENOIT-LAMARRE