11 janvier 2001

Capitale mutante


Des professeurs et des étudiants de l'École d'architecture collaborent à une étude sur la densification urbaine dans les quartiers centraux de Hanoi, au Viêt Nam

En décembre dernier, le professeur et ancien directeur de l'École d'architecture, Alexis Ligougne, est rentré du Viêt Nam après avoir contribué, pendant deux mois, sur le terrain, à un ambitieux projet de formation universitaire destiné à des professeurs, des professionnels et des étudiants et étudiantes de ce pays. Le projet en question, d'une durée de cinq ans, a démarré au printemps 2000. Il a pour objet l'étude de la densification rapide des quartiers centraux de la capitale vietnamienne. Le partenaire de l'École d'architecture est la Faculté d'architecture de l'École nationale supérieure de génie civil de Hanoi. Le financement, de l'ordre de 1,2 million de dollars, est assuré pour plus de la moitié par l'Agence canadienne de développement international (ACDI).

Un phénomène incontrôlé
Quelque 80 000 nouveaux arrivants s'installent chaque année à Hanoi, principalement dans les quartiers centraux. Une des conséquences de ce phénomène incontrôlé est que l'on construit des bâtiments de cinq à huit étages sur des parcelles occupées jusque-là par des maisons de un ou deux étages. Ce nouvel environnement se caractérise par une salubrité réduite et des bâtiments qui offrent une sécurité et une durabilité précaires. La ventilation naturelle, la vue, l'ensoleillement et la facilité de circulation d'autrefois ont disparu.

Le projet Viêt Nam vise à mieux connaître les effets de la densification en cours. Les connaissances méthodologiques et techniques acquises devraient ensuite permettre aux Vietnamiens de développer des modèles d'habitat alternatifs adaptables qui seront en mesure de mieux respecter les pratiques culturelles du pays. La contribution canadienne prévoit notamment la formulation de bétons performants et durables. Le projet s'appuie sur trois activités principales: une recherche-action, la production de manuels pédagogiques et de guides thématiques, et l'établissement d'un lien électronique.

Une collaboration préparée de longue date
Comme le souligne André Casault, professeur à l'École d'architecture et directeur du volet canadien du projet, les liens avec les partenaires vietnamiens ne datent pas d'hier. "Nous nous connaissons depuis 1996, précise-t-il, alors qu'une première équipe de quatre étudiants était allée là-bas pour un été."

L'étudiante à la maîtrise Marika Vachon a passé l'été dernier à Hanoi en compagnie de trois autres étudiants. Avec cinq jeunes professeurs et huit étudiants et étudiantes vietnamiens, ils ont effectué des enquêtes et des relevés dans le quartier Bui Thi Xuan. "Le comité populaire faisait les premiers contacts, raconte-t-elle. Notre équipe a visité 57 parcelles. Nous avions accès à toutes les pièces. Nous avons eu un contact assez privilégié avec les gens. Nous leur faisions passer un questionnaire. On prenait aussi des photos et des mesures, et on filmait. En certains endroits, une personne pouvait disposer d'un espace moyen de cinq mètres carrés; ailleurs, c'était plus de 25 mètres carrés."

Alexis Ligougne dit avoir observé un laisser-aller "assez effarant" dans l'industrie du bâtiment de ce pays communiste hypercentralisé et ce, en dépit de la mainmise très forte de l'État sur les rouages de l'économie. Quant à ses échanges avec les partenaires vietnamiens, il les qualifie d'excellents. Il a noté une grande curiosité de la part de tous et toutes ainsi qu'une grande soif de connaissances. Une attitude qu'André Casault a été à même de constater cet automne chez trois visiteurs vietnamiens, dont un étudiant à la maîtrise qui séjournera ici au cours des deux prochaines années.

Pour sa part, la professeure Denise Piché trouve l'expérience emballante. L'été dernier, elle a passé un mois à Hanoi avec deux de ses collègues. "J'ai adoré le contact avec les jeunes Vietnamiens, dit-elle, ce sont des étudiants extraordinaires." Selon elle, la liberté de pensée est ce que nous avons de mieux à leur offrir. Ainsi que la méthode de travail québécoise qui consiste à travailler ensemble et de manière participative.

Le projet Viêt Nam franchira une autre étape cet hiver lorsque neuf étudiants et étudiantes partiront de Québec pour un stage de deux mois à Hanoi.


YVON LAROSE